Pourquoi faut-il réintégrer les soignants suspendus ?

La HAS vient d’être consultée par le ministre de la santé pour donner un avis sur la réintégration des soignants suspendus : elle a rendu un avis négatif. Cet avis est cependant fondé sur des chiffres d’efficacité vaccinale contre les formes symptomatiques éludant complètement le fait qu’une majorité des événements est asymptomatique et participe à la propagation du virus, cela malgré un taux de vaccination important. Cette efficacité annoncée repose sur des études de faible niveau de preuve et décline rapidement dans le temps. De plus elle est calculée par rapport à une population n’étant pas déjà immunisée naturellement par une précédente infection. Pourtant l’immunité naturelle concerne désormais une large proportion de la population et en particulier des soignants suspendus. Dans ce cas elle les prémunit efficacement et durablement contre les formes graves de Covid-19, contre lesquelles on prétend les protéger en les forçant à la vaccination, plutôt que de simplement proposer cette mesure pour les soignants à risque et n’étant pas déjà immunisés. Nous tenons donc à porter à votre connaissance plusieurs éléments permettant de mettre en perspective cet avis de la HAS, et de développer une réflexion solide sur cette question, qui est aussi la question d’une obligation vaccinale au moyen de vaccins dont la période de suivi de sécurité dans le cadre des essais cliniques n’est pas achevée. Ceci prend place dans un contexte très évolutif du point de vue de l’impact sanitaire des variants actuels du SARS-CoV-2 et des dernières connaissances acquises concernant l’efficacité et la sécurité des vaccins concernés.

La HAS est une institution dont la fonction est d’établir des recommandations à destination du ministère de la santé : elle n’a donc pas de pouvoir décisionnel direct, mais indirectement ses recommandations servent de références aux positions de l’exécutif et donc au cadre législatif qui en découle. Sa responsabilité en matière de santé publique est donc immense puisque les obligations et consignes émanant du ministère de la santé trouveront leur légitimité dans ce qu’elle publie comme expertise scientifique. L’expertise scientifique de la HAS est ainsi censée relever d’une synthèse scientifique authentique et donc d’une recherche impartiale et indépendante à la fois de toute pression économique liée aux intérêts privés, et de toute pression politique. Le Conseil d’Etat souligne ce point dans sa décision CE Formindep 27 novembre 2011, classé en A N° 334396 relative à l’affaire du diabète qui oppose l’association FORMINDEP à la HAS https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2011-04-27/334396 . Le Conseil d’Etat rappelle à la HAS que sa mission exige une posture scientifique intègre, garantie par l’indépendance de ses membres et collaborateurs, principe de son devoir d’impartialité, et donc il invalide et abroge son avis, donnant raison à l’association requérante ayant soutenu que la recommandation médicamenteuse litigieuse avait été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité.

Nous savons que la qualité de l’évaluation réalisée par la HAS dépend de l’indépendance de son expertise, c’est cette mission qui lui donne une place référente au sein des autorités sanitaires nationales, elle a l’obligation de fonder ses recommandations de bonne pratique sur les données acquises de la science, c’est ce qui donne à ces dernières le caractère de décisions administratives. Pour formuler ses recommandations, la HAS doit prendre en compte, dans une expertise indépendante et donc impartiale, toutes les études scientifiques à fort niveau de preuve : c’est une obligation juridique, si une recommandation ne correspond pas aux données acquises de la science, le juge peut l’annuler.

Des recommandations inédites, au titre desquelles l’obligation vaccinale, ont été publiées dans le contexte, lui aussi inédit, d’afflux massif de personnes souffrant simultanément d’insuffisance respiratoires graves dans les services de soins critiques. Ceci produit par une épidémie d’un virus émergent comportant un grand nombre d’inconnues. Certes, on peut regretter que certaines stratégies mises en place précocement au niveau national aient malheureusement renforcé cette gravité initiale (médecine de ville mise à l’écart, restriction des indications de tests, patients à risque renvoyés au domicile, etc.). Malgré ces inconnues, certaines connaissances cruciales pour la gestion de crise sanitaire ont pourtant été rapidement acquises et sont restées constantes tout au long de la pandémie. Au premier rang desquelles l’identification des individus à risque de Covid-19 grave.

Nous regrettons également que nombre de mesures prises en France par la suite n’aient pas évolué comme elles l’auraient dû sur la base de ces connaissances. Dès lors, le maintien d’une d’obligation vaccinale contre le SARS-CoV-2 requerrait sur le plan médical et scientifique une démonstration solide de la réduction drastique et durable de la transmission du virus par ce moyen. Cette discussion devrait aussi prendre aussi en compte le degré de vulnérabilité ou d’immunité de la population qu’on entend protéger, ainsi que la balance bénéfice-risque individuelle concernant les personnes soumises à l’obligation, quand bien même l’efficacité susmentionnée serait démontrée.

A présent que la HAS vient être consultée sur la réintégration des soignants suspendus, il nous semble important de porter à la connaissance du public notre position et notre démarche en faveur d’une politique de santé efficace et sécurisée, fondée sur l’indépendance, l’impartialité et la qualité d’une véritable expertise scientifique au service de l’intérêt général. Notre collectif multidisciplinaire (médecins, scientifiques et juristes) au sein du Syndicat Liberté Santé (SLS) a ainsi récemment communiqué à la HAS, à l’occasion de cette consultation ministérielle sur la réintégration des soignants suspendus, un dossier à jour des données les plus récentes sur la situation épidémique.

Nous vous partageons le lien d’accès à ce dossier à la fin de ce courrier et vous invitons vivement à le consulter : nous y constatons que les critères fondant l’obligation vaccinale font désormais défaut et plaident pour l’abandon définitif d’une telle mesure :

  • Le niveau de preuve d’une protection forte et durable contre toute infection à SARS-CoV-2 est insuffisant ;
  • Chez les personnes présentant une infection à SARS-CoV-2 malgré vaccination, la réduction de la contagiosité n’est pas probante ;
  • Il est exclu d’acquérir une immunité dite « stérilisante » et durable avec les technologies vaccinales actuelles, malgré la multiplication des rappels et les mises à jour des vaccins ;
  • Maintenant qu’une large proportion de la population a été exposée à des variants plus contagieux mais moins dangereux, les soignants et les publics à risque en contact avec les soignants s’acheminent vers une immunité naturelle forte et durable contre la Covid-19 grave, malgré la possibilité de réinfections bénignes ;
  • La balance bénéfice-risque individuelle d’une vaccination systématique contre la Covid-19 de soignants sans facteurs de risque est remise en cause ;
  • L’obligation vaccinale des soignants a des conséquences délétères sur le système de santé dans le contexte de pénurie durable de personnel ;

Dans une situation hospitalière tendue, où les directions d’hôpital engagent les soignants à venir travailler malgré un statut covid +, comment peut-on continuer de priver de travail des soignants non vaccinés surtout s’ils ne présentent pas de facteurs de risque et/ou sont efficacement immunisés ?
Dans une situation sanitaire de pénurie de médecins libéraux, comment peut-on leur refuser encore d’exercer, y compris en téléconsultation ?
Même question pour les kinésithérapeutes, orthophonistes, psychologues etc… Alors que les demandes de rendez-vous explosent et que l’attente peut se compter en mois compte tenu de la pénurie de praticiens, et du fait que les soignants vaccinés sont testés covid + en grand nombre …

La suspension des soignants non-vaccinés au lieu de servir la chaîne de soin, la perturbe durablement, bien au contraire. Il y a là une perte de chance non négligeable pour les patients.
Ci-contre , le lien vers le dossier transmis à la HAS.